La rencontre
( petit flash-back : cette scène se passe juste après la dispute entre Kyo et Hetan )
Misao se réveilla lentement, émergeant difficilement. Elle avait l’impression de sortir d’un long sommeil, et, s’étirant et baillant, elle regarda où elle se trouvait. Elle était allongée dans un lit étroit, et se trouvait dans une petite pièce qui, à part le lit, était constituée d’un bureau, d’une chaise, d’une poubelle et d’une armoire à pharmacie. Une armoire à pharmacie ? Il y eut comme un « tilt » dans la tête de la jeune fille. Ainsi, elle était donc à l’infirmerie. Pourquoi donc ?
Misao essaya de se remémorer les derniers événements. Elle était à son cours d’équitation, comme tous les vendredis soirs. Ce jour-là, elle avait choisi de monter Eclair, le fameux pur-sang noir, avec qui elle s’était parfaitement entendue la dernière fois. Tout le monde avait été étonné d’ailleurs, car Eclair était réputé pour être sauvage et difficile. Très peu de cavaliers étaient capable de le monter. Misao, très fière d’elle, avait donc voulu renouveler l’expérience ce soir-ci, malheureusement, si elle se trouvait en ce moment à l’infirmerie, c’était que cela ne s’était pas aussi bien déroulé que prévu. Maintenant, elle s’en souvenait : elle était tombée du cheval. Pourtant… c’était étrange, mais Misao avait le pressentiment que ce n’était pas sa faute ni celle du cheval si elle était tombée. A force de réfléchir, une image lui revint. Celle d’un jeune homme très beau, en train de dire ceci : Moi, Kyo Fanel, qui ai hérité du nom de notre roi bien aimé, je déclare haut et fort que… jamais je ne m’excuserai devant cet individu !!
Misao se redressa d’un coup sur son lit. A présent, des multitudes d’images lui revenaient à l’esprit. Maintenant, elle se souvenait. Elle était en train de galoper tranquillement avec Eclair, lorsque des images s’étaient emparées de son esprit, et s’étaient imposées à sa conscience. Elle n’avait rien pu faire, c’était comme si elle avait eu un flash, ou… une vision, comme on dit. Une hallucination, aussi. Mon dieu, suis-je folle ? s’angoissa soudain la jeune fille. Ce n’est pas normal, de voir ce que j’ai vu…
Misao se rappelait clairement de tout ce qu’elle avait pu voir, c’était comme si elle avait assisté à la scène, comme si elle y avait été présente, au même titre que tous les gens qu’elle y avait vus. Ils étaient très nombreux et se trouvaient dans une salle immense et magnifique, une sorte de salle de bal, comme on en voyait au temps de la Renaissance. Ils étaient aussi habillés comme à cette époque… Mais ce qu’il l’avait intriguée le plus, c’était ces deux garçons qui s’étaient disputés devant elle… Elle avait tout vu, tout entendu, mais lorsque le garçon brun s’était tu, tout s’était mis à tourner autour d’elle, elle était brusquement revenue à la réalité et, n’ayant plus aucun repères à cause de cette espèce de vision, elle avait perdu le contrôle de son cheval et avait fait une chute. Qui n’était pas trop grave, heureusement, étant donné qu’elle se sentait bien. Un peu secouée, mais bien. Elle allait donc bien physiquement, mais psychologiquement, c’était autre chose… Misao se demandait effectivement si elle n’était pas en train de péter les plombs avec cette histoire de vision. Une vision…
Misao devint soudain songeuse. Le mot vision lui rappelait quelque chose, mais quoi ? Qui déjà lui en avait parlé ? C’était il y a longtemps… C’était…
Hitomi.
Oui, c’était ça. C’était Hitomi, sa tante, qui lui en avait parlé. Cela remontait à loin, à peu près cinq ans. Elle n’avait qu’onze ans à l’époque. A cet âge, Misao adorait sa tante, qu’elle considérait même comme sa mère, celle-ci étant morte lors d’une représentation de leur troupe avec son père, Mamoru Kanzaki, ( ses deux parents étaient trapézistes et avaient fait une mauvaise chute entraînant leur décès ), alors qu’elle n’avait que quatre ans. Hitomi, la sœur de son père, l’avait donc adoptée, et au fil des ans, Misao avait fini par l’aimer comme une mère. Malheureusement, le sort semblait s’acharner sur elle. Ainsi, lorsqu’elle avait eu onze ans, Hitomi mourut à son tour, victime d’un accident de la route. Misao alla la voir à l’hôpital, et ce fut lors de la veille de son décès qu’ Hitomi raconta à sa nièce une histoire extraordinaire, qui plut extrêmement à la petite fille qu’était alors Misao, et qui la fit rêver de nombreuses nuits. Hitomi lui expliqua qu’elle avait réellement vécu cette histoire, et Misao la crut. Elle était une fillette alors, et elle voulait croire à cette histoire de monde situé entre la Terre et la Lune, ce monde merveilleux avec des royaumes, des châteaux, des princes et des princesses… Malheureusement, lorsque le lendemain, Hitomi mourut, Misao, choquée, oublia peu à peu le récit de sa tante pour s’enfoncer dans une douleur profonde et sans issue. Ce ne fut que grâce à l’aide de sa meilleure amie, Nozomi, chez qui elle alla vivre, ( les parents de Nozomi étant Amano et Yukari, Hitomi avant de mourir leur avait demandé de s’occuper de Misao ), que Misao sortit de cet état de choc pour revivre. Elle finit par devenir une jeune fille, ayant bien le sens de la réalité et les pieds sur terre, c’est pourquoi l’histoire que sa tante lui avait raconté devint pour elle un joli conte qu’ Hitomi lui avait raconté pour la consoler.
Mais aujourd’hui, tout était différent. Et si cette histoire était bien vraie ? Si tout était réel ? Cela pourrait peut-être expliquer sa propre vision. Après tout, Hitomi lui avait dit que cela pouvait lui arriver à elle aussi… Jusqu’à présent, elle n’en avait pas tenu compte et n’y avait plus repenser, mais maintenant…
L’arrivée soudaine de Nozomi et Shinji, le cousin de celle-ci, la firent sortir des ses pensées.
« Misao, est-ce que ça va ? demanda Shinji, les sourcils froncés par l’inquiétude.
_ Oui, est-ce que tout va bien ? Tu te sens bien ? renchérit Nozomi, l’air tout aussi soucieux.
_ Ne vous inquiétez pas, tout va très bien, les rassura Misao. Je suis juste un peu secouée, mais sinon, aucun problème.
_ Pff… Je t’avais dit qu’Eclair pouvait être dangereux à monter.
_ Oui, tu nous as vraiment fait peur…
_ Je sais, je sais… Mais maintenant que vous savez que je vais bien, vous n’allez pas me rabâcher ça toute la soirée, non ?
_ C’est vrai. Et si on allait se faire un karaoké ? proposa Nozomi.
_ Excellente idée. Ca nous changera les idées, pas vrai, Shinji ?
_ Ok. Mais faut peut-être qu’on passe par chez vous pour que vous vous changiez, non ? »
Misao regarda ses vêtements maculés de boue après sa chute.
« Je me sens visée, là… protesta-t-elle en riant. Bon, d’accord, allons-y.
_ Attendez ! intervint Nozomi. J’avais oublié mais après le cours, je devais passer chez une copine qui a été malade lui donner des devoirs… Tant pis. Toi, Shinji, va avec Misao chez mes parents pour qu’elle se change, après vous filez direction le karaoké près de la gare, et moi je vous rejoindrai là-bas.
_ Comment vas-tu y aller ?
_ Je prendrai le bus, j’ai acheté des tickets. »
Une fois qu’ils se mirent d’accord, les trois amis sortirent de l’infirmerie et quittèrent le club d’équitation. Ils en avaient le droit puisque le cours de Nozomi et Misao était terminé ( seules les deux amies faisaient du cheval ; Shinji les avait juste accompagnées ).
Tandis que Nozomi prenait le bus pour se rendre chez son amie, Shinji et Misao se rendaient chez les parents de la jeune fille en moto, Shinji en possédant une.
« Bon, alors on se rejoint au karaoké ! rappela Nozomi avant de les quitter. »
Shinji et Misao approuvèrent, puis montèrent sur la moto, Shinji conduisant, Misao montant à l’arrière. La maison d’Amano et Yukari n’étant pas très éloignée, ils ne mirent donc pas longtemps pour y arriver. Misao descendit de la moto puis pénétra dans la maison. Seule Yukari était présente. Misao la mit au courant de leurs projets de karaoké et Yukari ne fit aucune objection. Misao alla donc se changer dans sa chambre, enfilant des vêtements propres et prenant même le temps de prendre une douche rapide. Puis, après avoir embrassé Yukari, elle alla rejoindre Shinji qui devait s’impatienter.
« C’est pas trop tôt ! grogna celui-ci en la voyant enfin.
_ Désolé, je trouvais plus mon nouveau jean. Bon, on y va maintenant ? »
Shinji hocha la tête et mit le moteur en marche. Une fois qu’ils prirent un peu de vitesse, Misao s’accrocha fermement à la taille de son ami, pour plus de sûreté. Le jeune homme en fut très satisfait, car même si ce n’était là qu’un geste naturel, cela permettait quand même un petit moment d’intimité qu’il ne se refusait pas. Shinji avait en effet toujours eu un faible pour Misao… La jeune fille était belle, intelligente, et le faisait rire. Impossible donc qu’il ne craque pas pour elle…
Le cri de Misao l’arracha à sa douce rêverie.
« Qu’est-ce qu’il y a ? cria-t-il pour se faire entendre. Ca ne va pas ?
_ Regarde par là-bas ! hurla-t-elle en désignant un point sur leur gauche. C’est quoi cette lumière, à ton avis ? »
Shinji regarda l’endroit indiqué et fut surpris de voir une sorte de colonne de lumière qui semblait tout droit sortir du ciel.
« Aucune idée ! répondit-il.
_ Et si on allait voir ? proposa Misao. C’est sur notre chemin, non ?
_ Pas vraiment ! Ca nous oblige à faire un petit détour.
_ Mais quand même… tu n’as pas envie d’aller jeter un coup d’œil ?
_ Bof… Tu es sûre ? Je…
_ Oui ! S’il te plaît ! Je veux savoir ce que c’est !
_ Bon… allons-y. »
Shinji changea de direction et tourna vers la gauche pour se rapprocher du lieu indiqué. Misao, quant à elle, se taisait, et se gardait bien de dire à son ami ce qu’elle ressentait. En effet , bizarrement, elle avait un étrange pressentiment, une sorte d’intuition qui lui avait soufflé d’aller voir cette lumière. C’était pour cette raison qu’elle avait insisté auprès de Shinji. Et, autre raison qui la poussait à vouloir aller voir, c’était qu’elle venait de se souvenir à nouveau de l’histoire qu’Hitomi lui avait raconté. Ne lui avait-elle pas parlé de « colonnes de lumière » ? La coïncidence était troublante, et Misao se demandait de plus en plus si cela n’avait pas non plus un rapport avec son espèce de vision. Oui, tout cela était vraiment étrange, et elle devait en avoir le cœur net. Pour cela, il n’y avait pas trente mille solutions : aller voir, tout simplement.
« Plus vite ! implora-t-elle à Shinji. Regarde ! La lumière est en train de s’éteindre !
_ Je fais ce que je peux ! »
Le jeune homme accéléra néanmoins, et ils arrivèrent quelques instants plus tard devant la colonne de lumière. Celle-ci achevait juste de disparaître, et remontait vers les étoiles d’où elle venait.
« Incroyable… murmura Shinji. Je me demande ce que c’était… »
De son côté, Misao ne faisait plus attention à ce que disait son ami depuis quelques secondes déjà. Elle était bien trop absorbée par la silhouette noire qu’elle voyait se dessiner devant elle. A force de percer l’obscurité, elle distingua un garçon de grande taille, qui se tenait non loin d’eux. Il semblait tout droit sorti de la colonne de lumière elle-même, et Misao en était troublée. Mon dieu, dites-moi que je rêve… songeait-elle. C’est impossible, à moins que… Oui. Cette fois, il n’y avait plus de doutes. L’histoire de sa tante Hitomi était bien vraie. Car si elle se souvenait bien, un garçon était aussi apparu devant sa tante alors qu’elle avait son âge. Un garçon nommé Van… Et lui ? Qui était-il ?
« Misao ! C’est qui ce type ? s’écria Shinji en se rendant compte de la présence du garçon à son tour. Ne t’approche pas de lui ! cria-t-il lorsqu’il vit son amie faire quelques pas en direction du garçon. »
Misao ne répondit pas et avança de plus belle. Le garçon, quant à lui, était tout d’abord dos à eux, mais en entendant la voix de Shinji, il se retourna brusquement et leur fit face.
Misao sentit son cœur s’arrêter. Non… Pas croyable… Elle se trouvait devant le garçon de sa vision ! Le mec arrogant et mignon qui se nommait Kyo Fanel !!
« Tiens, bonjour, fit-il en la voyant. C’est toi, la fille de la Lune des Illusions ? »
Misao le regarda bouche bée. Déjà qu’elle était étonnée de le voir, elle le fut encore plus après son charabia sur la Lune des machins…
« Hé ! T’es qui, toi ? s’exclama Shinji en approchant à son tour. D’où tu sors ?
_ D’où je sors ? Oh, tu veux dire, d’où je viens ? De Fanelia, je suis l’héritier de Van Fanel…
_ Mais de quoi il parle ?! Il est cinglé, ce mec ! Allez, viens Misao, on se tire !
_ Non ! Attends, Shinji ! s’écria Misao. »
Elle se tourna vers le garçon et s’adressa à lui :
« Tu as bien dit : Van Fanel ?
_ Oui. Tu le connaissais ? J’en étais sûr ! C’est bien toi, hein ? T’es la fille de la Lune des Illusions ?
_ Heu… en fait, je… »
Misao réfléchissait à toute vitesse. La Lune des Illusions… Ca lui rappelait quoi, au juste ? Ah oui ! Hitomi avait dit que c’était comme ça que les habitants de… de Gaïa appelaient la Terre.
« Heu… oui, c’est bien moi, lâcha-t-elle en hésitant.
_ Magnifique ! J’ai réussi ! Je suis un génie ! Je vais devenir roi ! Ha, ha, ha ! Je vois d’ici la tête de ce pauvre abruti d’Hetan quand je reviendrai avec toi ! »
Misao ne comprenait rien à quoi il faisait allusion. Tout ce qu’elle savait, c’est qu’elle avait mal à la tête, avec d’un côté, ce garçon bizarre qui semblait tout content de lui, et de l’autre, Shinji qui s’époumonait et hurlait qu’il voulait savoir ce qui se passait et comment elle connaissait ce type et c’était quoi la fille de la Lune machin-bidule etc etc…
Bon sang, que devait-elle faire ? Est-ce qu’elle devait mettre Shinji au courant ? Cela lui semblait difficile car elle avait elle-même du mal à croire à ce qui arrivait. Non, elle avait une meilleure idée. Une bien meilleure idée même, se félicita-t-elle intérieurement. Elle avait en effet trouvé une solution : elle allait présenter ce Kyo Fanel à Yukari ! Après tout, elle se souvenait des dernières paroles d’Hitomi : si un jour, tu as besoin de parler de cette histoire avec quelqu’un, demande à Yukari ou Amano… Comme ils m’ont vue disparaître avec Van, je les ai mis au courant de l’histoire à mon retour… Ils t’aideront…
Misao n’en doutait pas une seconde. Ouf ! Elle se sentait soulagée d’un grand poids. Elle n’était pas seule ! Yukari et Amano l’aideraient !
« Shinji, dit-elle, sa confiance retrouvée, ne pose plus de questions s’il te plaît. Je t’expliquerai tout plus tard, je te le promets. Mais pour l’instant, il y a plus urgent.
_ Mais…
_ S’il te plaît, Shinji. Je te donne ma parole que je te dirai tout. Mais pas maintenant.
_ Très bien…
_ Merci. Quant à toi, euh… Kyo, suis-nous.
_ Eh ! Comment connais-tu mon nom, toi ?!
_ Oh, eh bien je… en fait, c’est assez compliqué…
_ Et alors ? Explique-toi !
_ Je t’expliquerai plus tard ! Pour l’instant, il faut qu’on aille chez Amano et Yukari.
_ J’en ai rien à faire ! Je les connais pas ces deux-là, moi. Je veux des explications !
_ Hé ! Pour qui tu te prends à donner des ordres ? s’écria Shinji, qui bien que ne comprenant rien à la situation, fut énervé par les paroles du garçon.
_ C’est toi qui ferais mieux de surveiller tes paroles ! Tu sais à qui tu parles, au moins ?
_ Arrêtez tous les deux ! cria Misao. Ce n’est vraiment pas le moment ! Vous allez vous taire et écoutez ce que j’ai à dire, ok ? Alors voilà. Comme nous n’avons qu’une moto, on ne va pas pouvoir partir tous ensemble, donc voilà ce que je propose : Shinji, s’il te plaît, va au karaoké avec ta moto prévenir Nozomi qu’il y a un empêchement et dis-lui de venir nous rejoindre chez elle. Moi, je vais téléphoner à Yukari pour qu’elle vienne nous chercher ici, Kyo et moi.
_ D’accord, approuva Shinji, je pense que c’est la meilleure solution. Mais à mon retour, je compte sur toi pour m’éclairer sur toute cette histoire…
_ Ne t’inquiète pas pour ça, je te l’ai promis, non ?
_ Bon, alors j’y vais mais… je ne me sens pas tranquille de te laisser seule avec ce type…
_ Mais non, tu t’inquiètes pour rien…
_ Bien sûr, je ne vais rien lui faire… ajouta Kyo en passant un bras autour des épaules de Misao et en souriant d’un air qui ne rassura pas du tout Shinji.
_ Bon, si tu le dis… soupira celui-ci. »
Il s’éloigna, monta sur sa moto et mit le moteur en marche. Quelques secondes plus tard, Misao et Kyo entendirent le moteur au loin, signe que Shinji était déjà parti.
« Bon, maintenant qu’on est seuls, tu vas pouvoir m’expliquer, déclara Kyo. D’abord, je n’ai rien compris à ton histoire de moto et de… télénofer. »
Misao ne put s’empêcher d’éclater de rire.
« Tu veux dire téléphoner ! Eh bien… c’est compliqué tout ça. Comment t’expliquer… Dis-toi que notre monde est bien plus évolué que le tien, en terme de développement, d’industrie quoi… Un téléphone est un appareil qui permet de parler à quelqu’un d’éloigné. Et une moto, c’est l’engin sur lequel Shinji vient de partir…
_ Ce truc horrible, qui dégage de la fumée qui pue ?!
_ Oui ! dit Misao en riant à nouveau. C’était une moto.
_ Je vois… Pas très rassurant tout ça… Bon, tant pis. Va falloir que je m’habitue. Au fait, raconte maintenant que l’autre idiot est parti.
_ Shinji n’est pas idiot !
_ C’est ton fiancé, c’est ça ?
_ Quoi ?! Mais… non ! s’écria Misao en rougissant.
_ Pff… Tu rougis, ça veut tout dire.
_ Qu’est-ce que tu racontes ?! D’abord, je n’ai que 16 ans ! Je ne peux pas me fiancer !
_ Ah bon ? C’est bizarre… A Gaïa, les filles se marient très tôt, tu sais. »
Misao regarda Kyo dans les yeux et vit à son air sincèrement étonné qu’il ne se moquait pas d’elle.
« Peut-être, mais tu vas vite te rendre compte qu’ici, c’est très différent de ton monde. Les filles se marient beaucoup plus tard en général…
_ Pourquoi ?
_ Eh bien… disons qu’ici, les filles sont plus… émancipées et les parents ne cherchent plus à les marier comme avant. Elles ont le choix et ont plus de liberté.
_ Hmm… émancipées, tu dis ? Intéressant…
_ Hé ! C’est quoi ce sourire pervers ?!
_ Rien, rien… Au fait, c’est quoi ton nom ?
_ Misao… Misao Kanzaki.
_ C’est joli… J’aime bien.
_ Euh… merci.
_ Et toi au fait ? Comment connaissais-tu mon nom ?
_ Je… je crois que j’ai eu une vision.
_ Sérieux ?
_ Oui… je t’ai vu toi, en train de te disputer avec un autre garçon, et je t’ai entendu dire t’appeler Kyo Fanel. Tu étais dans une grande salle avec plein de gens autour…
_ Je vois… ce devait être quand j’étais à la salle de bal en train de parler avec Hetan… Intéressant, vu cette vision, tu m’as tout l’air d’être la digne héritière d’Hitomi Kanzaki. »
Misao haussa les épaules.
« Je n’en sais rien… et puis ça n’a pas d’importance. Hitomi est… morte.
_ Quoi ?! Oh, je… je ne savais pas. Désolé.
_ C’est pas grave… Bon, de toute façon, pour l’instant, il faut que je téléphone à Yukari. »
Aussitôt, Misao sortit son téléphone portable de sa poche et composa le numéro de téléphone approprié. Elle attendit quelques secondes, puis la voix de Yukari lui parvint :
« Allô ?
_ Yukari… c’est moi, Misao. Ecoute, il faut que tu viennes me chercher. Je suis en ce moment avec un garçon… venu de Gaïa. Comme Van Fanel, tu te rappelles, hein ? Je… j’ai besoin de toi.
_ Mais enfin, qu’est-ce que tu racontes ? Où sont Shinji et Nozomi ? Ils ne sont pas avec toi ?
_ Non … écoute, je ne peux pas t’expliquer au téléphone, ce serait trop long et trop compliqué. Il faut que tu viennes, maintenant. S’il te plaît. »
Misao entendit un long soupir au bout du fil.
« Bon, très bien. J’arrive. Dis-moi où tu es.
_ Je suis près du square, tu sais, celui où nous sommes allées la semaine dernière ?
_ Oui, je vois où c’est.
_ Bien, alors je t’attendrai là-bas. Avec lui.
_…
_ Tante Yukari ?
_ Oui, je… j’arrive. A tout de suite ma chérie.
_ Merci. »
Misao raccrocha avec soulagement. Yukari allait bientôt venir les chercher, enfin ! Elle jeta un coup d’œil en direction de Kyo qui la fixait, les yeux exorbités. Ou plutôt… elle s’en rendit compte, il fixait en fait son portable.
« Qu’est-ce qu’il y a ? Oh c’est vrai ! Tu n’en as jamais vu de ta vie !
_ C’est ce truc un… téléphone ?
_ Tu apprends vite dis donc ! Félicitations !
_ Cesse de faire ta maligne… On verra comment tu te débrouilleras quand tu viendras dans MON monde…
_ Ca, ça risque pas d’arriver de sitôt ! Je vois vraiment pas ce que j’irai faire là-bas ! répondit Misao en riant. »
La jeune fille ne se rendit pas compte de l’air soucieux que prit Kyo à cet instant. Merde… jura celui-ci intérieurement. Apparemment, c’est mal parti pour la convaincre de venir avec moi. Il faut que je change de tactique…
Misao, qui commençait à avoir mal aux jambes, s’assit dans l’herbe pour se reposer. Kyo la rejoignit. Pendant de longues minutes, aucun des deux ne parla. Kyo dévisageait la jeune fille. Les cheveux aux vents, elle regardait les étoiles, l’air songeur. Qu’elle est belle… songea-t-il. Autant que la princesse Fiona… enfin… elles sont différentes. Oui, ce n’est pas du tout le même genre…
Effectivement, autant la fille d’Allen et de Mirana était blonde comme les blés avec des yeux bleux, Misao elle, était brune, avec des yeux verts étincelants. Elle avait un joli visage, mais pas aussi doux que celui de la princesse. Le sien était plus… sauvage, plus caractériel peut-être, étant donné son menton volontaire, et son petit air renfrogné qu’elle avait parfois. En fait, Misao était même très différente du genre de fille auquel il était habitué. Kyo s’interrogeait. Cette fille juste à côté de lui commençait à sérieusement piquer sa curiosité. En fait, il se demandait s’il serait capable de la séduire… cela faciliterait d’ailleurs les choses s’il y arrivait. Comme ça, elle n’hésiterait plus à l’accompagner… Oui, c’était un très bon plan. Qu’il comptait bien mettre à exécution dès maintenant, après réflexion.
Imperceptiblement, le jeune homme se rapprocha de la jeune fille.
« C’est magnifique, tu ne trouves pas ? murmura-t-il à son oreille, en faisant mine d’observer le ciel avec attention lui aussi.
_ Je te vois venir… murmura-t-elle à son tour, sans détacher les yeux du ciel.
_ De quoi parles-tu ? demanda-t-il innocemment.
_ Si tu crois que je ne t’ai pas vu te rapprocher… »
Kyo fronça les sourcils. Zut, elle n’était pas stupide…
« Et alors ? Ca te gêne ?
_ Non, du moment que tu ne tentes pas de faire un truc idiot…
_ Un truc idiot ? De quoi parles-tu ?
_ A ton avis ?
_ Tu parles de ce genre de choses, peut-être ? »
Et, sans lui laisser le temps de réagir, il se pencha sur elle et l’embrassa sur la bouche. Malheureusement, une claque monumentale interrompit leur baiser.
« Aïeuh ! T’es folle ?
_ Bien fait, crétin ! Je t’avais prévenu.
_ Pff, t’es pas marrante… Moi qui croyais que les filles d’ici étaient « émancipées ». Tu parles !
_ Emancipées veut pas dire fille facile, abruti ! Je sais pas comment sont les filles de ton monde, mais ici, je te préviens qu’aucunes de nous ne se jettera dans tes bras parce que Monsieur se croit irrésistible !
_ C’est toi qui es trop rigide. Laisse-toi un peu aller !
_ Pour finir dans ton lit ? Dans tes rêves, mon vieux !
_ Je ne parlais pas forcément de lit… Sur l’herbe, la surface est plus dure mais…
_ Ferme-la ! Tu me rends malade !
_ Malade ? Malade d’amour je suppose ?!
_ T’es vraiment impossible comme mec ! J’aurais dû partir avec Shinji, lui au moins il…
_ Il ?
_ Il est sympa, gentil bref, tout le contraire de toi !
_ Merci, quel compliment ! J’aurais été sincèrement choqué et déçu si tu m’avais dit que je ressemblais à ce pauvre type.
_ Shinji n’est pas un pauvre type !!
_ Ah non ? Excuse-moi mais…
_ Ce n’est pas parce qu’il n’est pas aussi obsédé et vicieux que toi que c’en est un !
_ Tu crois ? Moi, je suis sûr que ton cher Shinji, si vertueux et pur qu’il puisse paraître, n’a qu’une envie, c’est sortir avec toi !
_ Qu’est-ce que tu racontes ?
_ Je l’ai bien vu à sa façon de te regarder. A tous les coups, il est le genre de type à faire semblant devant toi d’être le gentil copain serviable et tout, et la nuit, il fantasme sur toi et…
_ Tais-toi !! Shinji n’est pas comme ça !
_ Qu’est-ce que tu en sais ? En tout cas, moi, je suis franc et honnête avec toi ! Tu trouves pas ça mieux ?
_ Si bien sûr. Ce sont là deux qualités qui t’honorent. Ca tombe bien, je suis moi-même très honnête et très franche. Je vais donc partager avec toi le fond de ma pensée. Voyons… comment te dire ça sans paraître trop dure ? Ah je sais ! Voilà Kyo, je sais que ça va être dur pour toi à encaisser mais… je te déteste imbécile !! Tu me dégoûtes et je ne veux plus entendre un mot sur toute cette histoire débile, compris ?! »
Grr… La sale petite peste. Elle avait toujours son mot à dire, hein ? songea Kyo. C’était bizarre. D’habitude, jamais aucune fille n’osait lui parler sur ce ton. A vrai dire, c’était même la première fois qu’une fille s’adressait à lui de cette façon. Et il détestait ça. Kyo se mit à réfléchir. Que faire ? En tout cas, son plan de séduction était bel et bien tombé à l’eau. Oui, lui, Kyo Fanel, venait d’essuyer un refus. Ca non plus, il n’en avait pas l’habitude…
Décidément, cette fille n’était pas comme les autres. Elle répondait à chacune de ses répliques sans se démonter et ne lâchait pas le morceau. Il devait bien avouer qu’il était un peu admiratif, mais bah… tout ça n’était pas très féminin. C’était bien ça le problème, elle avait trop de caractère. Et qui sait combien il préférait les filles plus douces, tendres, gentilles et mystérieuses… comme la princesse Fiona, par exemple. Finalement, cette Misao n’était pas du tout son genre. Il réussit à s’en convaincre lorsqu’il eut croisé son petit sourire sarcastique. Elle semblait toute contente d’elle, comme si elle croyait l’avoir blessé. Kyo ricana en lui-même. Tu ne perds rien pour attendre, ma jolie… Si tu crois avoir gagné…
« Je vois surtout que tu ne veux pas voir ton cher Shinji sali, poursuivit-il ironiquement. C’est vraiment puéril, tu sais ? Enfin, je vais m’arrêter là, je sens que tu as les larmes aux yeux à force de m’entendre critiquer ton chéri. Comme c’est touchant ! Je ne savais que tu possédais toi aussi un petit côté fragile ! Comme quoi, tu n’es pas aussi insensible que tu puisses paraître. C’est rassurant, hein ? Ah, et puis surtout, ne t’inquiète pas je ne te ferai plus rien : en fait, tu n’es pas mon type. Je préfère te laisser à ce bon vieux Shinji ! »
Misao se sentait bouillonner de rage. Quel enfoiré, ce type ! Oui, il était vraiment odieux. D’accord, il était beau comme un dieu, elle devait bien l’avouer, quoiqu’à contre-cœur, mais côté personnalité… c’était pas encore ça, loin de là ! Vivement que Yukari arrive, pria-t-elle, au moins il la bouclerait un moment. Mais en attendant, elle n’allait pas non plus se laisser faire par cet… elle ne trouvait même pas les mots pour le qualifier. Tout ce qu’elle savait, c’est qu’elle le détestait, et qu’elle comptait bien le lui montrer…
« Rassure-toi, tu n’es pas mon type non plus. En fait, tu représentes tout ce que je hais le plus chez un mec : tu es prétentieux, obsédé, pervers, vicieux et …menteur aussi, car franchement, je ne vois aucune trace de franchise ou d’honnêteté chez toi !
_ Tant mieux, je vois au moins que nous sommes d’accord sur un point : nous nous détestons mutuellement.
_ Oui. Parfait.
_ Très bien.
_ Exact.
_ Bien.
_ Bien ! »
C’était clair qu’ils n’avaient plus rien à se dire. C’est à cet instant que Yukari fit son apparition, et si elle fut étonnée de l’ambiance houleuse qui régnait, elle n’en fit rien paraître.
« Tante Yukari ! s’écria Misao en la voyant. Je suis heureuse de te voir !
_ Moi aussi Misao. Eh bien ? Tu ne me présentes pas ? »
Misao jeta un regard noir à Kyo mais obéit.
« Voilà… je te présente Kyo Fanel, il vient de Gaïa. Et toi Kyo, je te présente Yukari, la meilleure amie de Hitomi.
_ Enchanté, fit Kyo en saluant Yukari. Je suis très honoré de rencontrer une amie d’Hitomi Kanzaki.
_ Enchantée moi aussi. Eh bien, puisque les présentations sont faites, et si nous y allions ? J’ai garé la voiture juste à côté, venez. »
Kyo sursauta au nom de « voiture ». Encore un truc qu’il ne connaissait pas, pensa-t-il. A quoi cette chose allait ressembler, cette fois-ci ? Il ouvrit des yeux ronds lorsqu’il aperçut la chose en question. Mais qu’est-ce que c’était que cette espèce de boîte énorme avec des roues ? Sûrement un de leurs moyens de transport bizarres, qui émettaient un drôle de bruit et de la fumée. Il était vraiment pressé de raconter tout ça à Jin…
Misao ouvrit la boîte à roues et l’invita à entrer. Kyo faillit dire qu’il préférait rentrer à pied car il voulait rester en vie, mais il sentit que ce n’était pas vraiment le moment de protester, et il pénétra à contre-cœur dans l’engin. Une fois dedans, il se sentit un peu rassuré. Tout compte fait, cela ressemblait à voyager en carrosse. Mais alors… où étaient donc passés les chevaux ?!
De son côté, Misao s’amusait comme une folle à observer Kyo du coin de l’œil. Le jeune homme semblait complètement paniqué dans la voiture, et ne cessait de jeter des regards inquiets autour de lui. C’était vraiment distrayant. Sous le coup de l’appréhension et de la surprise, il avait enfin perdu son ironie mordante et ses petits sourires moqueurs de tout à l’heure qui l’avaient mise hors d’elle. A présent, il avait plutôt l’air d’un petit garçon qui découvre quelque chose de nouveau qui l’effraie et l’excite à la fois. En effet, depuis que Yukari avait mis le contact et qu’ils avaient commencé à rouler, Kyo s’était aussitôt collé à la fenêtre et, mi-effrayé mi-admiratif, il n’avait pas quitté son poste d’une seconde, regardant le paysage comme s’il le voyait pour la dernière fois. Oui, en somme, avec sa petite moue étonnée et inquiète, il était vraiment mignon…
Misao tressaillit. Qu’est-ce qu’elle venait de penser ? La jeune fille se rassura. Bah, il a beau être mignon, il n’en reste pas moins un crétin de première…
Quelques minutes plus tard, ils arrivaient devant la demeure d’Amano et de Yukari. Ils descendirent tous de la voiture, puis entrèrent dans la maison. Là, Shinji et Nozomi les attendaient déjà. Même Amano était là, il venait juste de rentrer du travail. Finalement, ce n’était pas plus mal que tout le monde soit réuni, songea Misao. Ainsi, on aura pas à répéter les choses pour les absents.
La jeune fille sentit malgré tout son ventre se nouer en entrant dans le salon, lieu où elle pressentait que tous allaient se réunir pour discuter de la situation. Bizarrement, elle avait comme l’impression qu’une partie de son avenir allait se jouer là, dans cette pièce, et que cet avenir serait lié à ce garçon : Kyo Fanel…
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