Nouvel élève
Le week-end était achevé. Comme tous les jours de congé, il était passé à toute vitesse, laissant la place au lundi suivant, qui annonçait une nouvelle semaine de cours…
Misao avait été stupéfaite de voir avec quelle facilité Kyo s’était habitué à leur monde en l’espace d’à peine deux jours. En effet, le samedi suivant son arrivée, Nozomi et elle avaient décidé de lui faire faire sa première sortie en centre-ville, et s’il avait d’abord paru étonné et un peu inquiet à la vue de la circulation et des lumières de la grande ville, il s’était adapté selon les circonstances en un temps record, ce qui avait rudement impressionné les deux jeunes filles. Il connaissait à présent une grande partie des inventions modernes, et la ville, ses magasins, cinémas et autres loisirs, n’avaient plus de secret pour lui. Ce qui, par contre, avait sérieusement agacé Misao, c’était de voir avec quel regard il s’était mis à observer les passants de sexe féminin défiler devant lui alors qu’ils se baladaient. D’après ce qu’elle avait cru comprendre, les femmes du monde de Gaïa n’avaient probablement pas la même mode vestimentaire, et lorsque Kyo avait aperçu une fille habillée d’une mini-jupe et d’un débardeur au décolleté impressionnant, il avait aussitôt arboré un air d’abord stupéfait puis lascif, qui avait eu le don d’énerver Misao.
" Ferme la bouche ! T’as de la bave au coin des lèvres ! s’était-elle moquée.
_ Pas autant que Shinji quand il te regarde, j’espère, avait-il répliqué ironiquement, sans pour autant détacher les yeux de la splendide vision qui s’offrait à lui. "
Le sujet " Shinji " était épineux, et cette courte conversation avait mis un froid entre eux, et même avec les efforts de Nozomi, il avait été dur de les réconcilier. Bref, le week-end s’était agréablement déroulé, mais Nozomi et ses parents avaient remarqué sans peine les tensions qui régnaient parfois entre Misao et Kyo. Ils avaient mis cela sur le compte des caractères ( après tout, il s’agissait de deux fortes têtes ), mais surtout sur le fait qu’ils devaient tous les deux être sur les nerfs, étant donné la future décision capitale de Misao qui les concernait tous les deux.
En attendant, les cours reprenaient et Misao et Nozomi devaient donc se rendre au lycée. Ce lundi matin-là cependant ne fut pas aussi tranquille que les autres, puisque le calme régnant fut interrompu par Kyo, qui faillit réveiller toute la maisonnée malgré lui. Les chambres de Misao et Nozomi étaient contiguë à la sienne, si bien qu’elles entendirent sans mal l’énorme bruit de quelqu’un qui tombe par terre, suivi de vociférations et d’injures sans doute typiquement fanéliennes ( vu qu’elles ne les connaissaient pas ). Heureusement, il était 7h10 et Misao et Nozomi ayant cours, elles étaient déjà réveillées.
Misao fut la première à débarquer dans la chambre de Kyo, en peignoir car elle venait de prendre sa douche, et le sourire aux lèvres en essayant d’imaginer ce qui avait bien pu se passer cette fois-ci, après l’épisode de la chaîne HI-FI.
Lorsqu’elle débarqua dans la chambre, elle trouva Kyo sur le plancher, en T-shirt et caleçon, les cheveux en bataille et les yeux encore endormis par le sommeil. Elle aperçut et entendit également un réveil toujours en train de sonner, et crut comprendre ce qui s’était passé.
" Tu es tombé de ton lit ? demanda-t-elle à Kyo en réprimant un fou rire.
_ Ouais… grogna celui-ci, encore abasourdi. C’est ce p***** de truc qui m’a réveillé et qui m’a surpris, ajouta-t-il en désignant le réveil. "
En entendant Kyo, Misao constata également que le jeune homme avait très vite assimilé les injures et la façon de parler des jeunes de son monde ; cependant, elle ne savait pas si elle devait en être admirative ou non… Ce qui était sûr en tout cas, c’est qu’elle avait de plus en plus de mal à ne pas rire en imaginant la scène de Kyo, s’écroulant lamentablement par terre en tombant de son lit.
" C’est un réveil, expliqua-t-elle en souriant et en allant éteindre celui-ci. C’est un appareil qui permet de réveiller les gens pour qu’ils se lèvent le matin. Tu le règles à n’importe quelle heure que tu veux.
_ Ouais, ben moi, j’avais rien demandé à ce foutu véreil ! "
Kyo fulminait. En fait, il était tranquillement en train de dormir lorsque cette chose avait soudainement sonné, en émettant un bruit extrêmement agaçant qui se répétait sans cesse et, n’ayant jamais entendu rien de tel auparavant ( s’il voulait qu’on le réveille, les domestiques étaient faits pour ça, non ?! ), il en était tombé du lit sous le coup de la surprise. Ou, plus exactement, il s’était retourné brusquement en étant réveillé par l’objet et, le lit dans lequel il avait dormi étant bien plus petit que celui dans lequel il dormait à Fanélia, il n’avait pas bien mesuré la distance et s’était retrouvé par terre.
Le jeune homme n’était déjà pas bien fier de se retrouver dans une telle situation, mais le fait de voir Misao sur le point d’éclater de rire accentua encore le ridicule de la scène, et Kyo dut prendre sur lui pour calmer la bouffée de colère qu’il sentait grandir en lui. Cependant, il ne comptait pas non plus laisser cette fille impossible s’en tirer à si bon compte… Sans hésiter, il reprit avec un air plus sûr de lui :
" Mais toi, qu’est-ce que tu fabriques ici, dans ma chambre ? Et dans cette tenue, en plus ? "
Misao réalisa alors qu’elle sortait de la douche et qu’elle ne portait comme seul vêtement qu’un simple peignoir, très court de cuisses et qu’il aurait été très gênant à cet instant que quelqu’un entre dans la pièce. Néanmoins, si elle fut un peu troublée, elle n’en laissa rien paraître et répliqua sèchement :
" Ne prends pas tes rêves pour des réalités, mon vieux. Et ne va surtout pas t’imaginer des choses qui…
_ Qui quoi ? Qui t’as dit que je m’imaginais des choses, d’abord ? J’ai comme l’impression que tu te surestimes un peu, ma chère, déclara Kyo avec un sourire moqueur. Ce ne serait pas toi qui te croit irrésistible, là ? "
Misao rougit sous le coup de l’insulte sous-entendue.
" Tu vois très bien ce que je voulais dire ! répliqua-t-elle, furieuse de voir les choses tourner ainsi.
_ Pas du tout, répondit calmement Kyo, satisfait de reprendre le contrôle de la situation. En fait, je compte sur toi pour m’éclairer : pourquoi es-tu venue dans ma chambre habillée ainsi, au juste ?
_ J’ai entendu ton réveil et je…
_ Et tu as débarqué dans ma chambre en mini-peignoir ? Voyons, Misao, ne sois pas timide ! Avoue-le : tu es venue ici pour me séduire, pas vrai ? Mais ne t’en fais pas, je ne dirai rien, je…
_ Ferme-la, idiot !! Je suis venue ici parce que je t’avais entendu tomber de ton lit et que je voulais voir pour quelle raison ! Il n’y a rien d’incroyable là-dedans et…
_ Inutile de le nier, ce n’est pas grave tu sais, je comprends tout à fait : après tout, il n’y a rien d’étonnant à ce que tu sois folle de moi !! D’autres avant toi ont craqué, tu sais…
_ Mais je rêve ou quoi ?!! Je-ne-suis-pas-folle-de-toi !!! C’est clair ?!
_ Très clair : tu as peur de la réaction de ton entourage, c’est tout à fait compréhensible. Ne t’en fais pas, je leur expliquerai à quel point tu ne peux te passer de moi. Mais, j’avoue que de mon côté, je suis flatté. Et de plus, j’adore tes jambes… "
Misao rougit violemment, autant sous le coup de la colère que du trouble qui s’emparait d’elle et dont elle n’arrivait pas à se défaire. Tout en tirant autant qu’elle pouvait sur son peignoir, elle recula et commença à se diriger vers la porte.
" Je me casse !! grinça-t-elle entre ses dents, agacée par Kyo. "
Celui-ci, s’amusant de plus en plus de la tournure que prenaient les événements, se releva d’un bond souple et, à présent tout à fait réveillé, il se retrouva en un instant face à Misao et la retint par le bras pour l’empêcher de fuir.
" T-t-t… nous n’avons pas fini notre conversation, je crois… dit-il avec un sourire charmeur.
_ Pour moi, si. Je n’ai plus rien à te dire.
_ Ah ? Vraiment ? Tu es sûre ? demanda-t-il toujours en souriant et en se rapprochant un peu plus. "
Misao ne réagissant pas, Kyo en profita pour saisir son autre bras. Cette fois-ci, elle tenta de se dégager, mais il la maintenait fermement.
" L… lâche-moi ! Je… je n’ai rien de plus à te dire… murmura-t-elle.
_ Je t’obéirais bien mais… tu ne m’as pas l’air très convaincante, Misao… chuchota-t-il d’une voix sensuelle. "
Prenant confiance en lui, le jeune homme posa ses mains sur ses hanches. Ce geste fut comme un signal d’alerte pour Misao. A vrai dire, elle était troublée par la situation et la proximité de Kyo, et de plus, celui-ci avait des atouts ( à vous d’imaginer lesquels ^^ ) qu’elle ne pouvait ignorer. Néanmoins, elle comprit à son sourire rusé et à la lueur amusée qui dansait au fond de ses yeux, qu’il jouait avec elle : il ne l’aimait pas vraiment et réagirait identiquement avec une autre. Retrouvant tout d’un coup son énergie et sa hargne de tout à l’heure, Misao se dégagea avec brutalité des bras de Kyo et se précipita vers la porte. Toutefois, avant de sortir définitivement, elle se retourna et s’adressa au jeune homme d’une voix impertinente :
" Tu veux vraiment savoir pourquoi je suis venue dans ta chambre ? En fait, je t’avais bien entendu tombé de ton lit et je voulais juste me foutre de toi !! Pour ce qui est de ma tenue, dis-toi que c’est toi et tes idées tordues qui vous êtes fait un film. Bon, j’y vais, il faut que je raconte cette histoire de réveil à Nozomi et comment tu en es tombé de ton lit ; après l’histoire de la chaîne Hi-Fi, je suis sûre qu’elle va trouver ça aussi très drôle !!
_ Oh, ne te gêne surtout pas. Mais dans ce cas, il ne faudra pas que tu oublies de lui préciser comment tu t’es mis à bafouiller et à rougir quand tu étais dans mes bras ! répondit Kyo, ironique. "
Misao en perdit un instant son aplomb, mais cela ne dura que quelques secondes.
" Mon cher Kyo, tu devrais surveiller tes paroles… Car n’oublie pas pour quelle raison tu es ici, hein ? Vu que tu as besoin de moi, tu aurais tout intérêt à la fermer un peu, ok ? dit-elle avec calme et froideur. "
Elle le quitta sur ces dernières paroles et referma la porte. Elle alla ensuite directement s’enfermer dans sa chambre. Après avoir poussé le verrou, elle s’appuya un instant contre la porte de sa chambre, histoire de se remettre les idées en place. La conversation qu’elle venait d’avoir l’avait quelque peu ébranlée : d’une part parce qu’elle n’était pas habituée à être en rogne si tôt le matin, et d’autre part, parce qu’elle venait de se rendre compte d’une chose qui la tracassait assez pour l’avoir fait fuir en courant. Kyo était sérieux. Maintenant, elle le savait, c’était une certitude. Si elle ne s’était pas dégagée de son étreinte quelques instant plus tôt et si elle s’était laissée faire, elle serait encore avec lui et dieu sait ce qu’ils seraient en train de faire… Oui, Kyo était on ne plus sérieux et Misao comprit qu’il serait passé à l’acte sans hésitation.
La jeune fille était tracassée devant cette constatation. Depuis la scène de la claque due au baiser, elle avait toujours cru que Kyo plaisantait et n’avait fait ça que par jeu. Or, elle réalisait à présent que le jeune homme ne semblait pas se contenter d’un simple bisou et demandait bien plus… Bien sûr, elle savait parfaitement qu’il ne l’aimait pas et ferait strictement la même chose avec une autre fille, mais étant donné qu’ils vivaient désormais sous le même toit, il était évident que bien d’autres occasions où ils seraient seuls se représenteraient…
" Misao, t’es prête ? fit la voix de Nozomi derrière la porte. Dépêche-toi, on va être en retard !
_ Euh… oui, j’en ai pour deux secondes ! "
Misao se ressaisit. A quoi bon me tracasser pour des trucs pareils ? songea-t-elle. Après tout, elle n’avait pas peur de Kyo, loin de là. Et elle pourrait se défendre toute seule le cas échéant…
Retirant son peignoir, elle passa rapidement des sous-vêtements puis mit son uniforme de lycéenne. Ses cheveux étaient encore trempés mais bah, tant pis, ils sécheraient tout seuls en route. Elle se coiffa rapidement, laissant ses cheveux bouclés détachés, prit son sac de cours et sortit de sa chambre. Elle alla ensuite faire un tour dans la cuisine où elle prit un gâteau sec qu’elle comptait grignoter en chemin, et enfin, après avoir salué Yukari et Amano, elle alla rejoindre Nozomi qui s’impatientait dehors.
" C’est pas trop tôt, feignasse ! s’écria celle-ci. Grouille-toi un peu !
_ Du calme, du calme… t’as si envie que ça d’aller en cours ?
_ Non, mais vu qu’on a Yukimura en première heure, si on est en retard, on va avoir chaud aux fesses, alors…
_ Merde, t’as raison en plus ! Bon, vite, allons-y ! "
Sur ce, les deux filles pressèrent le pas et se hâtèrent de se rendre dans leur lycée qui, heureusement pour elles, ne se trouvaient pas trop loin de l’endroit où elles vivaient. A peine quelques minutes plus tard, elles arrivèrent donc à destination, essoufflées mais à l’heure. Les deux amies se trouvant dans la même classe, elles se dirigèrent dans la même direction, rejoignant leur salle de classe où les attendaient de nouvelles heures de cours passionnantes, dirigées par de merveilleux professeurs…
*********************
Kyo s’étira, tout en baillant à s’en décrocher la mâchoire. A cause de ce maudit réveil, il n’avait pas pu dormir autant qu’il en avait besoin, et surtout autant qu’il l’aurait voulu. Malheureusement, il était à présent complètement réveillé, et il aurait donc été vain de tenter de se recoucher. Le jeune homme se résigna et commença à chercher de quoi se vêtir. Il se souvint dans quel désarroi il s’était trouvé, le samedi matin, en réalisant qu’il ne pourrait plus remettre ses propres vêtements, du moins temps qu’il serait dans ce monde. Mais Yukari l’avait aidé en le prévenant qu’il pouvait prendre n’importe quel habit se trouvant dans la grande armoire de sa chambre. Ces vêtements appartenaient pour la plupart à Shinji qui, à cause de ses fréquentes visites, en laissait toujours une partie chez eux. Prévenante, Yukari avait aussi pris soin de poser sur une chaise quelques pulls et chemises empruntées à Amano, que Kyo pouvait porter s’il le désirait. Ce lundi matin-là, le jeune homme avait donc un assez grand choix, et il décida de remettre le même pantalon bleu à la texture particulière de la veille ( il avait appris qu’il s’agissait d’un jean ), il changea par contre de T-shirt, par-dessus lequel il enfila une chemise noire. Une fois habillé, il sortit de la chambre et descendit là où se trouvait la cuisine. Il y trouva Yukari, occupée à manger un plat que, encore, il ne connaissait pas.
" C’est de la soupe miso, expliqua-t-elle, devinant son ignorance. C’est très bon, tu en veux ?
_ Non merci, je n’ai pas très faim pour l’instant. Amano n’est pas là ?
_ Non, mais tu l’as manqué de peu. Il vient juste de partir travailler.
_ Qu’est-ce qu’il fait comme métier ?
_ Il est entraîneur d’une équipe d’athlétisme de haut niveau. Il a lui-même été athlète dans une équipe étant jeune, et il a toujours voulu exercer cette profession plus tard mais… oh, excuse-moi, je suppose que tu ne sais pas ce qu’est l’athlétisme ?
_ Comment avez-vous deviner ? "
Yukari sourit à cette remarque et donna une explication à Kyo.
" Amano est donc dans le sport…
et vous ? Quel est votre travail ?
_ Je suis professeur de langues. J’enseigne
le français.
_ Pardon ?
_ Oui, dans notre monde, il existe des
milliards de personnes qui parlent des langues très différentes. Ici, dans le
pays où tu es arrivé, nous parlons japonais, mais il existe bien d’autres
pays où la langue est différente. Vous parlez tous la même langue à
Gaïa ?
_ Oui et non. Disons qu’il existe
quelques dialectes, surtout chez les peuples mi-animaux, mais sinon, nous
parlons tous la même langue, oui. Mais, si vous comprenez ce que je dis, cela
signifie que pour vous, je parle japonais, c’est ça ?
_ Oui, tu as tout compris. Mais justement,
je trouve cela très étrange…
_ Comment ça ?
_ Eh bien, quand Van est venu ici, il ne
parlait pas notre langue. Amano et moi ne comprenions rien à ce qu’il disait.
Seule Hitomi comprenait son langage alors que toi… tout le monde te comprend.
La logique aurait voulu que Misao seule puisse te parler, mais ce n’est pas le
cas…
_ Et alors ? C’est mieux ainsi,
non ? Après tout, s’il n’y avait que Misao qui me comprenait, je me
verrais mal vivre dans ce monde pendant un mois…
_ Tu as raison, heureusement que cela se
passe comme ça.
_ Au fait, où sont parties Misao et
Nozomi ?
_ Au lycée, bien sûr. C’est une
école, si tu préfères. Il y en a bien dans ton monde, non ?
_ Oui, mais… chez moi, seuls les gens de
classes moyennes, c’est à dire la majorité du peuple, y envoient leurs
enfants. Les autres personnes, disons les nobles, prennent des précepteurs pour
les études de leurs enfants.
_ Et je suppose que tu fais partie de
cette catégorie de personnes ?
_ Euh… oui, j’étudie avec des
professeurs, à Fanelia.
_ Intéressant… tu n’es donc jamais
allé à l’école ?
_ Jamais.
_ Et tu n’en as jamais éprouvé l’envie ?
_ Je ne sais pas. Je ne me suis jamais
posé la question.
_ Vraiment ?
_ Enfin… si. Un peu.
_ Pourquoi ?
_ Maintenant, je m’en fiche, mais je
sais qu’avant, quand j’étais gosse, il m’était arrivé de suivre en
cachette des enfants allant à l’école pour voir ce qu’ils y faisaient.
_ Et alors ?
_ Ils avaient l’air de bien s’amuser
et pendant un moment, j’ai été jaloux.
_ Et après ?
_ Après j’ai grandi, et j’ai compris
que ces enfants ne faisaient pas que s’amuser à l’école : ils avaient
aussi des devoirs, et beaucoup de punitions car le règlement était très
sévère… Du coup, ma jalousie a diminué et je me suis contenté de mes vieux
précepteurs…
_ Tu ne t’ennuis pas trop avec
eux ?
_ Enormément. Mais je trouve toujours un
moyen de me divertir. "
Yukari ne douta pas en voyant un sourire malicieux se dessiner sur les lèvres de Kyo qu’il était parfaitement capable de se distraire sur le dos de ses précepteurs, c’est pourquoi elle ne lui demanda aucun détail sur les méthodes employées. Elle continua toutefois la conversation :
" Au fait, je me demande ce que tu vas faire, vu que les filles ne terminent les cours que dans deux semaines… Tu risques de t’ennuyer d’ici là, à être tout le temps tout seul dans cette maison.
_ Ce n’est pas bien grave… Je trouverai bien de quoi m’occuper. J’irai faire des tours en ville… suggéra-t-il tout en songeant à la fille en mini-jupe de samedi. "
Oui, il trouverait sûrement de quoi occuper ses journées…
" Impossible, répliqua Yukari catégoriquement, ce qui anéantit les espoirs et les plans que Kyo avait déjà commencé à imaginer. Tu es censé être un jeune homme normal, et donc si l’on te voit dehors toute la journée, les gens vont se poser des questions et se demander pourquoi tu ne vas pas en cours. Tu vas te faire remarquer or, c’est justement ce que nous cherchons à éviter…
_ Peut-être, mais je ne peux pas aller dans votre truc d’école… Et je ne vais tout de même pas non plus être obligé de rester cloîtrer ici jusqu’à ce que les vacances arrivent, seulement pour ne pas attirer l’attention ?!
_ Non, bien sûr que non… c’est ennuyeux, ça… je n’y avais pas pensé, mais c’est vrai que si tu ne vas pas au lycée comme tous les jeunes de ton âge, les gens ne vont pas comprendre… et d’un autre côté, tu ne vas pas rester enfermer ici pendant deux semaines… En fait, l’ennui, c’est que comme tu n’es pas de ce monde, tu n’as rien permettant de t’identifier : en vérité, ici, c’est comme si tu n’existais pas, puisque tu n’as ni carte d’identité, ni passeport… il est donc impossible pour toi de te faire intégrer dans une école. A moins que… non, il n’y a pas vraiment de moyen… bon, laisse-moi trouver une solution. Il faut que je réfléchisse à tout ça.
_ Et qu’est-ce que je vais faire en attendant ?
_ Je suis désolée, Kyo, mais… finalement, je crois que tu vas devoir rester enfermer ici.
_ Quoi ?! C’est une blague, j’espère ?!
_ Ce n’est que pour la journée voyons, inutile de te mettre dans cet état. Je suis certaine que nous trouverons une solution d’ici ce soir. Mais en attendant, et crois-moi j’en suis navrée, mais tu vas être forcé de rester sagement ici. Car si tu sors, les voisins vont savoir que nous t’hébergeons, et nous serons alors obligés de leur expliquer que tu es un ami de la famille. Mais le problème, c’est qu’ils vont devenir suspects en voyant que tu ne vas pas au lycée. Encore, si c’était les vacances, ça irait, mais là, tu vois, ça ne peut pas aller. Notre histoire d’amis de la famille venant de la campagne ne tient plus debout, à cause de ce problème d’école. Car tous les jeunes y vont, et donc même si tu venais vraiment de la campagne, tu serais obligé d’y aller, or ce n’est pas le cas…
_ C’est incroyable, ça… Tous les jeunes de votre monde vont vraiment tous à l’école ?
_ Non, tu as raison : il y a d’autres alternatives pour les jeunes de ton âge, il y en a par exemple qui travaillent déjà ou apprennent du moins un métier, mais j’ai déjà pensé à cette solution pour toi, et ça ne marche pas non plus. Car il faudrait te trouver un travail et sans papiers, c’est impossible.
_ Formidable. Donc si j’ai bien compris, je vais devoir rester enfermer ici durant deux semaines entières ? Très peu pour moi, je préfère encore…
_ Je t’ai déjà dit qu’il ne s’agit que d’une journée. Je pense pouvoir trouver une solution d’ici là. Alors je pense que tu peux faire un effort : une journée à rester tranquillement en place, ça n’est pas la mort.
_ Ca c’est vous qui le dites ! Quand je pense à tous ces nouveaux trucs que j’ai à découvrir et qui m’attendent dehors, et que je vais devoir rester bouclé ici, j’avoue que je suis un peu dégoûté…
_ Mais non, tu apprendras au moins ce qu’est la patience… "
Yukari regarda sa montre.
" Bon, il va bientôt falloir que j’y aille. J’ai un cours à donner à 9h00…
_ Et après ça, vous avez fini de travailler ?
_ Non, j’ai encore deux heures l’après-midi.
_ C’est tout ? Sympa, la vie de prof !
_ Je ne crois pas que tu saches vraiment de quoi tu parles… enfin, passons. Comme j’ai un peu de temps libre, cela va me permettre de m’occuper de ton cas : un ou deux coups de fil à passer, et peut-être bien que je vais réussir à arranger tout ça… "
Kyo l’espérait de tout son cœur, déprimant déjà à l’idée de rester enfermer dans une maison, qui qui plus est, paraissait vraiment minuscule face au palais de Fanelia.
" Si tu ne veux pas t’ennuyer, ajouta Yukari tout en commençant à se préparer pour partir, tu peux toujours regarder la télévision. C’est un passe-temps merveilleux, pour les gens de notre époque. La télécommande est sur le téléviseur, je crois que tu sais déjà t’en servir. Ah, Amano rentre ce midi, tu mangeras seul avec lui car les filles déjeunent au lycée et moi, je crois que je serais occupée. Donc dis à Amano que je ne rentrerai que ce soir, d’accord ? Et explique-lui pour quelle raison tu dois impérativement rester ici, ok ? C’est bon ? Tu as besoin de quelque chose avant que je m’en aille ?
_ Oui : j’ai besoin de sortir.
_ Kyo !
_ C’est bon, je plaisantais. Ok, je promets, je ne bougerais pas d’ici. Vous pouvez partir tranquille.
_ J’espère bien. Bon, à ce soir alors.
_ A plus tard. "
Yukari prit un sac en cuir noir qui lui servait de cartable pour ses cours, enfila son manteau et quitta la demeure, se dirigeant vers la station de métro la plus proche de chez elle. Elle ne prenait pas souvent sa voiture pour aller au travail, à cause de la circulation incessante de la ville. D’ailleurs, ce jour-là, elle était plutôt contente de se rendre à son travail à pied, car cela allait lui permettre de réfléchir à la situation, et cela beaucoup mieux que si elle s’était retrouvée au volant d’une voiture. Yukari avait déjà une petite idée sur la question, et comment elle allait procéder pour obtenir ce qu’elle désirait pour Kyo. Cela allait être dur probablement, mais elle savait négocier. Elle avait encore besoin de réfléchir pour peaufiner le plan qui se dessinait dans son esprit, mais si elle restait bien concentrée et si elle donnait des arguments convaincants, elle était quasiment certaine de réussir : Kyo ne resterait vraisemblablement qu’une seule journée enfermée dans la maison, elle en mettrait sa main à couper.
*******************
En fin d’après-midi, en rentrant du lycée, Misao et Nozomi furent très surprises de voir Kyo, affalé sur le canapé du salon, en train de jouer à Final Fantasy X !
" Kyo ? Qu’est-ce que tu fous ! s’écria Misao, visiblement la plus étonnée des deux filles.
_ Ca se voit pas ? Je joue !
_ Sans blague ? Ce que je voulais dire, c’est comment tu sais y jouer ?
_ Shinji m’avait vaguement montré comment faire la dernière fois qu’il m’avait fait visité la maison… "
Nozomi émit un sifflement d’admiration.
" Eh bien, en tout cas, tu te débrouilles plutôt pas mal : t’es déjà rendu à la compétition de Blitzball !
_ Hé, hé… Qu’est-ce que tu croyais ?
_ Mais au fait, tu es resté ici toute la journée ? demanda Misao. "
Kyo hocha la tête, et en profita pour raconter sa conversation de la matinée avec Yukari.
" C’est vrai, elle a raison, approuva Misao, tu ne peux pas sortir tant que nous n’aurons pas trouvé comment justifier le fait que tu ne sois dans aucun lycée ou que tu n’aies aucun travail…_ Mais tu ne vas tout de même pas rester coincé ici toutes les journées ? s’écria Nozomi.
_ Je ne sais pas, ta mère a dit qu’elle allait trouver une solution d’ici ce soir…
_ Maman a dit ça ? Alors, c’est qu’elle doit avoir une idée derrière la tête…
_ Oui, ça en a tout l’air, consentit Misao, mais telle que je la connais, elle ne nous dira rien tant qu’elle ne sera pas sûre d’elle… enfin, je ne m’inquiète pas trop, elle trouvera bien quoi faire, je suis sûre qu’on peut lui faire confiance.
_ Oui, ne t’en fais pas Kyo, ma mère a toujours des idées géniales enfin… la plupart du temps. Au fait, qu’est-ce que t’as à nous fixer comme ça depuis deux minutes ?
_ Hein ? euh… non, rien. C’est juste que je trouve bizarre de vous voir toutes les deux habillées pareil. C’est ça la mode, chez vous ?
_ Non !! Il s’agit juste de nos uniformes de l’école, expliqua Nozomi en souriant. Tous les élèves sont obligés d’en porter.
_ Oh, je comprends mieux. Et qui choisit vos uniformes ?
_ L’établissement, je présume.
_ Très bon choix, je trouve. Ca ne vaut pas la mini-jupe de la fille de l’autre jour, mais je trouve que ces jupes laissent entrevoir pas mal de choses comme…
_ Inutile de continuer, le coupa Misao. On n’a pas envie de connaître ton esprit tordu et tes idées mal placées.
_ Com-ment ? Tu sais que c’est très mal de couper la parole aux gens, fillette ? Et je constate aussi avec consternation que tu as des préjugés !! C’est pas bien ça, tu me juges, moi, pauvre âme innocente, alors que j’avais même pas achevé ma phrase !
_ Et alors ?! C’était facile de deviner ce que tu allais dire !
_ Ah oui ? Essaye toujours. Alors ? Qu’est-ce que je m’apprêtais à dire à ton avis ?
_ Très simple. Ton esprit pervers allait nous expliquer à quel point tu aimais ces jupes qui, étant courtes, te permettaient de voir les cuisses des filles… Cette remarque était stupide bien sûr, mais venant de toi, ce n’est pas bien étonnant… estime-toi heureux que je t’ai coupé la parole…
_ Pas du tout. Tu as tout faux, très chère. En fait, j’allais juste dire à quel point ces jupes me faisaient penser à toi en peignoir, ce matin… "
Misao rougit légèrement, mais assez pour que Kyo éclate de rire et pour que Nozomi jette à son amie un regard curieux.
" Qu’est-ce qu’il s’est passé exactement, ce matin ? demanda Nozomi.
_ Tiens donc ? Comment se fait-il que tu ne l’aies pas mise au courant, Misao ? N’était-ce pas toi qui pourtant m’avait dit : oh, je vais vite raconter tout ça à Nozomi, elle va trouver ça très drôle !! s’exclama Kyo en prenant une voix de fille suraiguë. "
Cette fois, c’en était trop. Misao n’arrivait plus à supporter son petit air suffisant et moqueur et, excédée et passablement humiliée, la jeune fille saisit le coussin le plus proche et l’envoya voler jusqu’à la tête de Kyo, qui se le prit en pleine tronche.
" Les réflexes, ça se travaille, mon vieux !! dit-elle, contente de pouvoir prendre une petite revanche. "
Mais Kyo ne comptait pas en rester là. Il lui renvoya le coussin, de façon très adroite certes, mais Misao s’était préparée ; elle s’y attendait et para le coup avec classe.
" Et avec ça, t’es mauvais tireur !! Dommage, mais… "
La jeune fille fut interrompue par le choc d’un autre coussin qu’elle reçut par derrière. Le coup venait de Nozomi.
" Hé !! Sale traîtresse ! T’es dans quel camp ?!
_ Dans le mien, évidemment ! dit Kyo en passant un bras protecteur autour des épaules de Nozomi. "
Mais celle-ci se contenta de lui pincer le bras et lui balança également un coussin. Kyo riposta, accompagné de Misao qui criait vengeance. En bref, une bataille générale éclata, où les amitiés ne comptaient plus : c’était chacun pour sa peau, et c’était beaucoup plus drôle comme ça !! La guerre de coussins dura longtemps, d’autant plus que personne n’était décidé à lâcher le morceau. A un moment donné, voyant que Kyo commençait à prendre l’avantage, les deux filles conclurent une alliance et se jetèrent sur lui en même temps. Le jeune homme ne s’y était pas attendu et il fut plaqué au sol sans même s’en rendre compte. Il sourit en songeant qu’il lui suffirait de se débattre pour se libérer, mais c’est alors que Misao et Nozomi usèrent d’une arme efficace et meurtrière, qui ne lui laissa aucun répit : elles se mirent à le chatouiller férocement, ce qui lui fit perdre tous ses moyens et toute sa force. Entre deux hoquets de rire, Kyo finit par prendre sa revanche en utilisant la même méthode. Il s’attaqua d’abord à Nozomi, qui bientôt se roula par terre en se tenant les côtes et en essayant vainement de résister au rire. Misao fut plus dure à maîtriser, car elle avait du répondant et était une véritable anguille, elle se faufilait partout et revenait à l’attaque inlassablement. De son côté, Nozomi tenta de revenir dans le jeu, mais une irrépressible envie de faire pipi l’obligea à se précipiter aux toilettes.
Pendant ce temps-là, Misao et Kyo continuèrent de se chamailler, se balançant des coussins ou se chatouillant au point de ne plus pouvoir respirer. A ce niveau du jeu, Misao avait réussi à reprendre un peu l’avantage après un superbe lancer de coussin qui avait laissé Kyo à moitié sonné. Mais le jeune homme avait repris ses esprits en un clin d’œil et, vif comme l’éclair, il s’était précipité sur Misao qui tentait de s’échapper. Il lui attrapa le bras, la fit basculer par terre, et, se plaçant à genoux au-dessus d’elle, il commença à la chatouiller en bonne et due forme. Elle le suppliait d’arrêter, mais il continuait la torture impitoyablement. Alors, dans un sursaut d’énergie, Misao réussit à le faire basculer et, l’entraînant avec elle, ils roulèrent sur le tapis sur quelques mètres. Malheureusement, cela ne changea pas grand chose pour la pauvre Misao, puisqu’ils se retrouvèrent dans la même position que précédemment, c’est à dire que Kyo était au-dessus d’elle, un sourire triomphant sur les lèvres. Cependant, contre toute attente, il arrêta de la chatouiller et ne fit plus rien. Sentant que quelque chose d’étrange se produisait, Misao se taisait à son tour et n’osait pas faire un mouvement. En silence, ils reprenaient donc leur souffle, tout en se dévisageant mutuellement. Kyo, les cheveux ébouriffés et l’œil pétillant, était plus beau que jamais. Misao, les joues rosies et les cheveux en désordre à cause de la bataille de polochons, ne se rendait elle-même pas compte de l’effet qu’elle produisait sur le jeune homme. Lorsque celui-ci se pencha sur elle pour remettre quelques mèches rebelles en place et lui dégager ainsi le visage, Misao sentit son cœur s’arrêter de battre. Elle comprit ce qui allait se passer en voyant les prunelles des yeux de Kyo s’assombrir : il la désirait. S’affolant tout d’un coup, Misao protesta :
" Non ! Kyo, je…
_ Tais-toi, répliqua-t-il froidement. "
Sur ces sages paroles, il s’empara de sa bouche et l’embrassa farouchement. Et fabuleusement bien. Misao comprit dès l’instant où leurs lèvres entrèrent en contact qu’il était expérimenté, sûrement beaucoup plus qu’elle. La jeune fille voulut résister un peu, mais Kyo la maintenait fermement clouée au sol, encerclée par ses bras puissants posés de par et d’autres de son corps. Elle émit une faible protestation, qui fut étouffée lorsque leurs langues se mêlèrent.
Misao était désemparée. Elle ne voulait pas qu’une telle chose se produise, mais son corps la trahissait : elle devait se retenir pour ne pas sauter au cou du jeune homme, se coller à lui telle une sangsue, et lui enlever sa chemise noire qui l’agaçait presque. Tout cela, Kyo le sentait, et, sans pour autant arrêter de l’embrasser, il prenait un malin plaisir à observer le trouble de Misao, qui bataillait entre sa raison qui lui ordonnait de tout arrêter, et son corps qui lui dictait de continuer et de suivre ses désirs charnels.
Kyo jubilait intérieurement. Il était parvenu à briser les défenses de la jeune fille, et il allait conclure bien plus vite que prévu : après cet épisode, sans nul doute ses rapports avec Misao allaient-ils sensiblement s’améliorer, et ainsi envisagerait-elle beaucoup plus facilement de l’accompagner sur Gaïa.
Il en était là dans ses pensées, lorsque, à sa grande stupéfaction, elle mit un terme à leur fougueuse étreinte.
" Nozomi… articula-t-elle, jetant des regards inquiets en direction de la porte. Elle… elle va arriver d’une seconde à l’autre. "
Ouf, ce n’était donc que ça. Kyo était rassuré ; durant l’espace de quelques secondes, il avait cru avoir commis une erreur quelque part… mais non. Elle s’inquiétait seulement à l’idée que son amie ne les surprenne. Lui, personnellement, n’y voyait pas là grande importance, c’est pourquoi il répondit sur un ton amusé mais qui se voulait rassurant :
" C’est une grande fille. Elle s’en remettra. "
Néanmoins, Kyo comprit que Misao était plus résistante que ce qu’il pensait : si elle s’était arrêtée, c’est qu’elle n’était pas encore totalement sous son charme. Il allait donc falloir sortir le grand jeu s’il voulait la conquérir totalement. Il devait aller plus loin. A vrai dire, cela ne le gênait pas vraiment, au contraire. Misao était une fille d’une beauté éblouissante, presque trop désirable.
Ne lui laissant aucun répit, il reprit sa bouche avec fougue et commença alors à parcourir son corps de ses mains avec délice. Misao frissonna mais ne dit rien. Tout en lui embrassant la gorge, il avait posé une main sur sa cuisse et remontait lentement jusqu’à sa hanche. Elle était frémissante de plaisir, et Kyo, excité lui aussi, se sentit animé d’un sentiment de triomphe. La victoire était proche.
De son autre main libre, il caressa son ventre et commença à remonter vers le haut, jusqu’à l’attache de son soutien-gorge. Il y était presque parvenu, lorsque la porte d’entrée de la maison s’ouvrit, et un jeune homme de dix-sept ans fit irruption dans la pièce.
" Sh… Shinji ! ! bégaya Misao, complètement désarçonnée. "
Confuse et rouge comme une pivoine, elle tenta de se relever, au moins pour paraître plus décente, mais Kyo pesait toujours de tout son poids sur elle, et ne semblait pas daigner vouloir bouger le petit doigt. Il paraissait tout simplement furieux.
" Tu vois pas que tu déranges, là ?! dit-il froidement à Shinji. "
Celui-ci était resté figé sur place depuis le début, mais la remarque acerbe de Kyo le fit réagir ; et, si au début, il avait paru un peu rouge à cause de la gêne qu’il avait éprouvé en les voyant dans cette pose et situation embarrassantes, sa gêne était maintenant totalement dissipée, et s’il était encore rouge, ce n’était qu’à cause d’une colère difficilement maintenue.
Misao essaya une nouvelle fois de se dégager, mais Kyo l’en empêcha.
" Kyo… s’il te plaît, lâche-moi, ordonna-t-elle, un peu nerveuse à cause de la situation. "
Le jeune homme l’ignora, ce qui ne fut pas au goût de Shinji qui cria à moitié :
" Elle t’a dit de la lâcher, alors bouge ! "
Kyo savait qu’il n’avait pas le choix, il n’allait pas rester ainsi indéfiniment, mais c’était juste pour faire enrager Shinji. Il se releva donc, mais avec une lenteur calculée, pour encore mieux énerver l’importun. Cela devait marcher, étant donné l’air furax qu’arborait Shinji à cet instant. Néanmoins, Kyo lui aussi était énervé : cet imbécile fini avait tout gâché. Car si cela avait été Nozomi qui les avait surpris, Misao et lui, passe encore : Nozomi était intelligente et les aurait sûrement laissés seuls. Malheureusement, Shinji était un crétin jaloux qui semblait décider à faire une scène.
Ensuite, dès que Kyo eut libéré Misao en se relevant, celle-ci se remit debout prestement, et tenta nerveusement de remettre de l’ordre dans sa coiffure et sa tenue. L’atmosphère était tendue, elle appréhendait la suite et ne savait pas quoi faire, ni quoi dire. Elle brisa finalement le silence :
" Shinji… je… je suis désolée… "
Les mots étaient sortis tout seuls, et elle se demanda, après les avoir prononcés, pourquoi elle s’était excusée. Finalement, elle comprit pourquoi : après tout, elle avait toujours su au fond d’elle-même que Shinji l’aimait, mais elle n’avait pas voulu le voir…
De son côté, Shinji parut réaliser qu’il agissait comme un amant jaloux, et, se ressaisissant, il répondit d’une voix un peu amère :
" Tu n’as pas à te justifier. Tu peux faire ce que tu veux, et avec qui tu veux. "
Cette phrase sonna pourtant comme une insulte aux oreilles de Misao : la prenait-il pour une salope ?! Elle voulut répliquer, lorsqu’elle se rendit compte qu’elle n’était pas très bien placée pour s’offusquer : après tout, depuis combien de temps connaissait-elle Kyo ? Deux jours, à peine ? Et la voilà qui se retrouvait par terre avec lui, à se rouler des pelles et à se faire plus que des câlins… !
Misao préféra donc se taire. Shinji, quant à lui, jugea qu’il était temps de partir. D’ailleurs, il avait besoin de prendre l’air et de se défouler. En fait, ce qui lui restait le plus en travers de la gorge, c’était de voir comment ce satané Kyo Fanel avait réussi à faire ce dont lui-même rêvait depuis des années. Le pire, c’était qu’il faisait des efforts depuis plusieurs années sans y parvenir, ne récoltant au mieux que des baisers sur la joue pour se dire bonjour/au revoir, et des frôlements de corps sur une moto. Pathétique. Kyo Fanel, lui, n’avait mis que deux jours. Et ça, Shinji n’arrivait pas à l’avaler. Il était dégoûté, mortifié, humilié et… affreusement jaloux. Mais bah, la vie continuait… !
Shinji partit donc, en les saluant par un : " Désolé pour le dérangement ! " un peu moqueur, histoire de ne pas donné trop l’impression de partir en perdant.
En voyant Shinji quitter la pièce, Misao sentit son cœur se serrer. Elle venait de perdre quelque chose de précieux. Pas son amitié, non, mais il était clair que leur relation ne serait plus jamais comme avant : chaleureuse, simple, naturelle et complice. Quelque chose allait changer, et elle avait peur de ne pas aimer cela.
Lorsque Kyo fit un pas pour s’approcher d’elle, elle recula instinctivement.
" Et voilà, j’en étais sûr : cet idiot de Shinji a tout foutu en l’air, songea Kyo en maudissant le jeune homme. "
Il tenta tout de même quelque chose, ayant un espoir que tout ne soit pas perdu.
" Misao… dit-il alors en lui adressant un sourire éblouissant. Oublie Shinji et reprenons là où on en était…
_ Idiot. "
Kyo fronça les sourcils. Ce n’était pas la réponse qu’il attendait.
" Qu’est-ce qu’il te prend ? demanda-t-il, mécontent. "
Misao ne répondit pas tout de suite. Elle-même ne comprenait pas très bien au fond ce qui lui arrivait. Tout ce qu’elle savait, c’est qu’elle avait blessé Shinji et que tout était de sa faute. Encore, si elle avait été amoureuse de Kyo, tout aurait été différent, mais ça n’était pas le cas. Elle ne l’aimait pas. Et, pire encore, elle ne savait même pas si elle ressentait ne serait-ce que de l’amitié pour lui. Et malgré cela, elle s’était laissée prendre au jeu et l’avait embrassé avec une ardeur dont elle ne se serait pas cru capable. Pourquoi ? Misao finit par trouver une interprétation : un peu fofolle après la bataille de coussins, elle s’était laissée aller et avait cédé à une impulsion tout à fait humaine ; d’autant plus que c’était Kyo qui avait commencé à vouloir l’embrasser…
En tout cas, à présent qu’elle avait l’esprit clair, elle n’avait aucunement l’intention de sortir avec Kyo. Elle le lui fit comprendre clairement par ces mots :
" Ecoute, on ferait mieux d’en rester là. C’était idiot de faire ça, ça ne nous mènera à rien.
_ Je vois pas ce qu’il y avait d’idiot là-dedans. Inutile de mentir, je sais que toi aussi tu as aimé !
_ Crois ce que tu veux, je m’en fous. En tout cas, fais comme moi et oublie ce qui vient de se passer, c’est clair ?
_ Pourquoi ? C’est Shinji qui te met dans cet état ? "
Kyo serrait les poings. Il était furieux et avait du mal à garder son calme. Lui qui croyait jusqu’à ce jour comprendre les femmes, ne saisissait rien au comportement de cette fille, Misao Kanzaki.
" Ne mêle pas Shinji à cette histoire, voyons !
_ Pourquoi ? C’est bien à cause de lui que tu piques une crise, non ?
_ Moi ? Piquer une crise ?! Arrête de dire n’importe quoi, j’en ai marre ! Et puis d’ailleurs, je vois vraiment pas pourquoi je devrais me justifier ! Je fais ce que je veux, non ? "
Elle s’apprêtait à partir, quand Kyo la rattrapa brutalement par le bras.
" Lâche-moi !! s’exclama Misao en se dégageant furieusement.
_ Pas question ! Non, mais pour qui tu te prends, à la fin ?! Moi, j’ai besoin d’une explication ! Tu crois que tu peux décider de m’embrasser à un moment, et l’instant d’après, de te casser sans rien dire ?!
_ Très bien… capitula la jeune fille en cessant de se débattre. Je suis désolée. Là, ça te va ? Je peux partir maintenant ?
_ Tu aimes Shinji ?
_ Quoi ?!
_ Réponds-moi et je te laisserai partir. Est-ce que tu aimes Shinji ?
_ Ca te regarde pas ! s’écria Misao en réussissant à se libérer d’un coup de coude. "
Cependant, Kyo la rattrapa en une enjambée et la plaqua contre un mur. Là, il l’embrassa, mais elle le griffa et il dut s’interrompre.
" Sale garce ! jura-t-il entre ses dents. "
Elle ne répondit rien mais il vit briller dans ses yeux une lueur de défi, qui lui donna encore envie de l’embrasser. Il n’en fit rien, car il venait déjà de tester la griffure de ses ongles sur sa peau.
Misao finit par répondre à sa question :
" Si tu veux vraiment savoir, je ressens une profonde affection pour Shinji. Je ne sais pas si c’est de l’amour ou simplement de l’amitié mais en tout cas, ce dont je suis sûr, c’est qu’aujourd’hui, je l’ai sérieusement blessé et ça me fait mal, car son amitié compte beaucoup pour moi… Mais de toute façon, même si Shinji n’avait pas été là, ça n’aurait rien changé à ma décision : j’ai décidé ça parce que nous ne nous aimons absolument pas tous les deux. C’est toi-même qui l’a dit, tu te rappelles ? Nous nous détestons mutuellement, avais-tu dit… Et tu le penses toujours, n’est-ce pas ? "
Misao regarda Kyo dans les yeux, attendant sa réponse. Celui-ci hésita une fraction de seconde, mais la jeune fille ne s’en rendit pas compte.
" Evidemment, répondit-il avec dédain. "
Misao n’attendait pas d’autre réponse de sa part, pourtant elle sentit une pointe de déception au fond d’elle-même.
" Alors pourquoi continuer ? poursuivit-elle comme si de rien n’était. Ca ne rime à rien…
_ Tu as raison. Je ne t’aime pas et tu ne m’aimes pas. "
Il la lâcha.
" Mais ça ne veut pas dire que nous ne pouvons pas ressentir une attirance… physique, acheva-t-il avec un sourire froid et ironique qui la glaça. "
Kyo quitta alors la pièce sans un regard derrière lui et monta dans sa chambre. Misao, chamboulée par ses dernières paroles, remonta dans la sienne telle un automate, puis elle ferma la porte derrière elle, s’affaissa sur son lit, et ferma les yeux.
*****************
Misao se réveilla en sursaut le lendemain matin, et de mauvaise humeur. Elle le fut encore plus lorsqu’elle lut l’heure sur son réveil : 6h05. Elle s’était levée une heure trop tôt. Et bien sûr, elle était crevée. Elle remarqua, posé sur sa table de nuit, les restes du plateau repas que Nozomi lui avait apporté la veille. Elle se souvint de ce qui s’était passé.
Après être montée dans sa chambre, elle s’était endormie et en se réveillant, s’était sentie mal déjà à cause de la fatigue, mais elle avait aussi éprouvé une douleur au ventre : premier jour de règles. Elle n’avait pas souvent mal, mais cela lui arrivait quelques fois, et cette fois-ci, la fatigue associée à cette douleur abdominale n’avaient rien arrangé à son état. Elle avait même eu un peu de fièvre. Par conséquent, la jeune fille s’était retrouvée au lit, sur ordre de Yukari, et elle n’était pas allée déjeuner dans la salle à manger avec les autres, mais elle était restée dans sa chambre. Vers vingt heures, Nozomi était venue lui apporter à manger et avait posé le plateau sur sa table de nuit. Comme Misao était réveillée à ce moment-là, les deux filles en avaient profité pour parler un peu, notamment du fameux épisode qui s’était déroulé entre elle, Kyo et Shinji.
En discutant avec Nozomi, Misao avait été étonnée d’apprendre que son amie savait déjà quasiment tout. En effet, il était évident que Nozomi n’était pas restée une éternité bloquée aux toilettes… Ainsi, dès qu’elle avait eu terminé, elle était retournée voir Misao et Kyo, et en les apercevant enchevêtrés sur le tapis en train de s’embrasser, elle était repartie discrètement en direction de sa chambre. Puis, elle avait entendu des éclats de voix et était descendue toujours aussi discrètement voir de quoi il en retournait. Nozomi avait ainsi suivi l’altercation avec Shinji, puis, jugeant que cela ne la regardait plus, elle était ensuite retournée dans sa chambre à écouter de la musique. A partir de là, elle ne savait par contre rien de ce qui s’était passé après, entre Kyo et Misao.
Celle-ci avait hésité à rapporter à Nozomi la discussion qu’elle avait eu ensuite avec Kyo. Finalement, elle avait décidé de rester vague. Pour une fois, elle n’avait pas eu envie de tout dire à son amie, il y avait des choses comme par exemple la dernière phrase que Kyo lui avait sortie ( sur l’attirance physique ), qu’elle préférait garder pour elle… Misao lui avait donc dit qu’ils s’étaient disputés, mais qu’ils s’étaient quand même tous les deux mis d’accord pour dire que ce qui s’était passé entre eux ne signifiait rien.
Nozomi avait paru surprise mais n’avait rien dit. Ensuite, la jeune fille avait quitté la chambre, et Misao s’était endormie.
Pas assez longtemps cependant, puisqu’elle était encore fatiguée en se réveillant, songeait Misao en étouffant un bâillement. Soudain, la jeune fille entendit un bruit provenant de l’autre côté de la cloison. Cela venait de la chambre de Kyo. Apparemment, lui non plus n’arrivait pas à dormir. Misao frissonna cependant, en songeant qu’elle n’était pas pressée de le voir après ce qu’il s’était passé. Elle attendit quelques minutes, tendit l’oreille et n’entendit plus rien. Il avait dû se rendormir. Tant mieux, comme ça, elle ne le croiserait pas tout à l’heure, en se levant pour se préparer à partir à l’école. Elle réfléchit et en déduisit même qu’elle ne le verrait pas de la journée, du moins jusqu’au soir puisqu’elle passerait tout le jour au lycée…
C’était toujours ça, et d’ici là, peut-être aurait-elle le temps de réfléchir à comment se conduire devant lui. Puis, Misao décida d’en faire autant que lui, et d’essayer de retrouver le sommeil. Elle s’enfonça profondément sous sa couette et ferma les yeux.
*****************
Nozomi et Misao étaient parties au lycée, et Amano avait quitté lui aussi la maison pour partir au travail. Même chose que la veille, en somme. Pourtant, Yukari, attablée devant son petit-déjeuner, comptait bien changer au moins la journée de Kyo : il était hors de question qu’il reste une journée de plus enfermer à la maison. Elle n’avait rien dit la veille, mais elle avait trouvé une solution au problème. Toutefois, elle préférait leur faire la surprise. Kyo non plus n’était pas au courant de ce qu’elle lui réservait, mais elle l’informerait de son projet dès qu’il serait réveillé. Elle se demandait comment il prendrait la nouvelle. D’un côté, elle pensait bien qu’il allait se réjouir, mais de l’autre, elle se demandait la tête qu’il ferait lorsqu’il saurait : car fils de paysans, cela allait encore, mais alcooliques de surcroît…
***************
Misao rangeait ses livres dans son casier, situé dans le couloir en face de sa classe. Nozomi n’était pas avec elle : elle avait été convoquée par un surveillant à cause d’un retard injustifié.
Tout en vidant une partie de son sac à dos, la jeune fille jetait des regards furtifs dans le couloir : elle se demandait si elle allait croiser Shinji ou pas. Ce ne serait pas si mal que ça en fait, car il faudrait bien qu’ils s’expliquent tous les deux…
Elle achevait de ranger un dernier bouquin d’histoire, lorsqu’elle aperçut à l’autre bout du couloir deux de ses meilleurs amis.
" Hina ! Tohru ! appela-t-elle. "
Ils étaient trop loin et, avec le brouhaha incessant que faisaient tous les étudiants, ils ne l’entendirent pas. Ils tournèrent à gauche, prenant un autre couloir. Misao ferma son casier, et se dépêcha de les rattraper. Elle était presque arrivée à l’angle du couloir, lorsqu’un ami l’apostropha :
" Hé, Misao ! Salut, on mange ensemble, ce midi ?
_ Ok, Akito ! Attends-moi devant ma classe vers midi alors ! "
Le garçon hocha la tête en signe d’assentiment, et Misao, distraite par Akito, ne fit pas attention à ce qu’il y avait devant elle, et percuta de plein fouet un jeune homme en tournant à l’angle du couloir. Celui-ci transportait dans ses bras quelques livres qui tombèrent sous le choc de leur heurt. Misao s’empressa de l’aider à les ramasser, d’autant plus que c’était surtout sa faute. Lorsqu’elle releva la tête et croisa son regard, elle étouffa un cri de stupéfaction.
" K… Kyo !!! Qu… qu’est-ce que… tu fais là ?!
_ Mais comme toi, Misao, j’étudie ! D’ailleurs, tu devrais faire plus attention où tu mets les pieds, tu pourrais faire de mauvaises rencontres… "
La jeune fille songea qu’il en faisait partie, des mauvaises rencontres, mais elle était bien trop abasourdie pour parler. Kyo s’en rendit compte et lui rit au nez.
" Si tu voyais ta tête ! Tu es ridicule, ma pauvre ! Bon, je te laisse, il faut que j’aille visiter cette magnifique école ! Ah… je sens que je vais me plaire, ici ! Au fait, j’ai rencontré ton chéri, Shinji, tout à l’heure ! Il avait pas l’air bien, le pauvre ! Il me faisait presque pitié, alors je l’ai rassuré et je lui ai dit qu’il n’avait pas à s’en faire, que tu étais libre et à sa disposition ! Remercie-moi, hein ? "
Il adressa à Misao un sourire insolent, puis la planta là et partit en rigolant. La jeune fille retrouva alors l’usage de la parole et, irritée par ses paroles, elle lui cria :
" Espèce de crétin !! Je ne sais pas comment tu as fait pour venir ici, mais je suis sûre que c’est une erreur ! Tu rigoleras moins quand cette histoire aura été mise au clair et que tu te retrouveras coincé pour de bon à la maison ! "
Il ne prit même pas la peine de répondre ou de donner une explication à sa venue dans l’école. Il se retourna seulement et fit mine d’envoyer de loin un baiser à Misao. Celle-ci, pleine de rage devant ses allures impertinentes, se jura de trouver par quel miracle il avait réussi à être intégrer dans l’école. La jeune fille ne comprenait pas comment il avait fait, et ignorait complètement quel moyen il avait pu employer. En revanche, elle savait que la venue de Kyo était loin de l’enchanter. D’après ce qu’elle venait de voir, elle avait l’impression qu’il la détestait encore plus qu’avant et elle avait le sentiment qu’il prendrait plaisir à la tourmenter.
Misao n’était pas loin de la vérité : le cauchemar commençait.
à suivre...
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